Article pro-pédophile de Causette : Le directeur de publication annonce qu’il porte plainte contre moi

Dans son dernier numéro, le magazine Causette a publié ceci :

Dans la droite ligne de ce que j’ai fait en publiant une réaction à l’article du Nouvel Obs sur cette affaire (j’ai cette manie de croire dur comme fer qu’il est inacceptable de la part de journalistes de romancer les affaires de pédocriminalité en les racontant sous l’étiquette de “liaison”, “passion” et autres fantaisies), j’ai réagi.

De la même façon que j’avais choisi sur Twitter le hastahg #pedobs pour dénoncer l’article du Nouvel Obs, j’ai choisi le hashtag #pédocausette pour dénoncer l’article de Causette.

Et de la même façon que j’ai considéré que le choix de publication de ce genre d’article constitue une apologie de la pédophilie, j’ai affirmé (et je ne retire pas mes propos) que Causette est donc, du fait même de ce choix de publication, un “magazine pro-pédo”. Je l’ai également dit du Nouvel Obs.

Je n’ai pas été seule à réagir à l’article de Causette, d’autres personnes et supports ont proposé leur analyse.

Ainsi, Slate a publié ceci : “Après le Nouvel Obs, Causette se prend les pieds dans la pédophilie féminine

Valérie, du blog Crêpe Georgette, a publié cela : “Quand Causette appelle une atteinte sexuelle une “liaison amoureuse

La page Facebook de Causette a publié un communiqué.

Causette n’ayant pas (au moment de ces différentes publications et malgré la grogne qui montait publiquement et collectivement) daigné présenter de vraies excuses et se prétendant “neutre” (tout en utilisant une terminologie empruntée à la romance amoureuse et en omettant l’utilisation de guillemets, comme l’explique très bien l’article de Slate), il a bien fallu continuer à réagir. De façon constante, nourrie, répétée.

À 17h25, ce 29 juin, Grégory Lassus-Debat, fondateur et directeur de publication de Causette, m’informe via Twitter que nous nous retrouverons au tribunal pour avoir dit que son magazine était “pro-pédo”. Je me montre coopérative évidemment, en lui proposant de suite de lui fournir mes coordonnées postales afin de lui faciliter la tâche.

J’essaie de lui expliquer en quoi la publication de son article est grave et porte atteinte aux victimes, en même temps qu’il constitue une apologie de la pédophilie au sens de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, mais il me réplique que mes propos sont “inacceptables” et me donne à nouveau rendez-vous au tribunal, confirmant son intention de porter plainte contre moi.

Grégory Lassus-Debat considère donc que mes propos sont inacceptables. Je l’entends bien. Mais la notion de “l’inacceptable” selon Grégory Lassus-Debat diffère de la mienne.

Il lui semble inacceptable que je me permette d’écorner l’image de son magazine, et que je mette des mots concrets sur ce que contient l’article publié par Causette. Inacceptable que je me crois autorisée à ne pas craindre ses menaces de procès et à me tenir droite devant ses tentatives d’intimidation.

Moi, ce que je considère comme inacceptable, c’est de mettre en scène et de scénariser, en les romançant, l’agression sexuelle commise par une adulte sur une enfant. Inacceptable de nier la réalité, à savoir qu’une personne adulte ayant des relations sexuelles avec une enfant de 12 ans et demi (la gamine n’avait pas 14 ans au moment des faits) commet des actes pédocriminels, et que ces actes ne peuvent en aucun cas être assimilés à une “liaison particulière” ou à une “passion” : en choisissant d’utiliser ces termes pour décrire les faits, Causette a volontairement et clairement pris parti, et a fait une apologie de la pédophilie.

Il est également inacceptable de narrer des faits relevant de la pédocriminalité en supposant le consentement de l’enfant et en occultant sciemment les mécanismes de pouvoir qui sont à l’œuvre, et en écartant toute la complexité de ce qui caractérise justement la vulnérabilité et la malléabilité émotionnelle d’un-e enfant face aux désirs d’un-e adulte : écrire que la relation est tendre, faite de baisers, de caresses, qu’il n’y a pas eu de violence, que c’est l’enfant qui a “amorcé la bombe”, tout cela revient à adopter le discours des pédophiles sur les forums, qui assurent qu’ils ne pensent qu’au bien de l’enfant.

Il est également inacceptable de refuser d’admettre qu’en faisant d’une affaire judiciaire relative à  une atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans un récit romancé, on présente la pédocriminalité comme quelque chose d’admissible, de concevable.

Il est tout aussi inacceptable de prétendre qu’on a commis une simple “maladresse” alors que le journalisme est un métier, et que la publication d’un article ne s’improvise pas. Que tout l’art et les ressources nécessaires ont été mis en œuvre pour proposer aux lectrices de Causette ce récit romancé, avec des termes soigneusement choisis, biaisant les faits, les connotant.

Il est en outre inacceptable de violenter symboliquement les victimes et de les silencier par ce genre d’article, qui se plaît à minimiser et romancer ce que peut représenter concrètement la relation sexuelle entre un-e adulte et un-e enfant. Une relation sexuelle entre un-e adulte et un-e enfant, ce sont des doigts, un pénis parfois, une bouche, une langue, des gestes sexuels, de la pénétration vaginale et/ou anale. L’affirmation de la non-violence de ces actes sous prétexte qu’il n’y a pas contrainte physique ou qu’il s’agit d’une femme adulte et non d’un homme est elle-même d’une violence inouïe.

Et que dire du choix de l’illustration : un dessin représentant deux silhouettes de femmes de même stature et gabarit, suggérant ainsi une égalité symbolique et un âge identique.

Les articles pro-pédophiles, comme l’est celui de Causette, constituent un outil de silenciation des victimes. Ils participent aussi à la culture du viol. Il érotisent la pédocriminalité. Ils sont sexistes, lesbophobes et violents. Et ne parlons même pas de l’islamophobie à peine voilée contenue dans l’article.

Alors quand Grégory Lassus-Debat me dit publiquement, par deux fois, que nous nous retrouverons au tribunal, je lui réponds : “D’accord. Je suis à votre entière disposition. Et je maintiens que votre magazine, en publiant cet article et en refusant d’entendre nos mots, a choisi d’être pro-pédophile”.

DEAL WITH IT.

Edit : Grégory Lassus-Debat et Liliane Roudière (rédactrice en chef de Causette) viennent de publier des excuses chez Rue 89. Ils se disent catastrophés d’avoir vu émerger, sur les réseaux sociaux, des accusations affirmant que Causette trouvait des circonstances atténuantes à un acte “pédophile”. Catastrophés au point d’assigner les gens qui les dénoncent, donc.

Edit : Dans une interview accordée aux Inrocks, Grégory Lassus-debat confirme son intention de m’assigner.

Edit du 2 octobre 2013 : Mon avocat et moi-même avons vu arriver le 29 septembre, date de la prescription, sans qu’aucun huissier n’ait sonné à ma porte pour me tendre cette fameuse assignation. Vérification faite au Palais, aucune plainte avec CPC n’a été déposée non plus.